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Je n’ai pas bien connu ma grand-mère maternelle, pas très maternelle dans mon souvenir, une femme autoritaire, un peu ronde, guère loquace. Si son portrait est plutôt flou, je lui dois pourtant quelques moments inoubliables. Ma petite madeleine c’est une brosse à cheveux, ronde avec un anneau en plastique moulé. Pendant des heures, ma grand-mère me brossait les cheveux que j’avais blonds et bouclés à l’époque. Le souvenir de ces heures est encore gravé dans mon cuir de moins en moins chevelu, et s’il me reste quelque chose de ma grand-mère, ce sont bien ces moments, ces jeudis après midi où l’on me laissait sortir du lycée pour quelques heures de liberté.

A  l’époque, la liberté était celle chérie d’Aragon, dont on écrivait le nom avec des plumes Sergent-major, mais je m’égare…quoique à y bien réfléchir… en vérité ce que nous connaissions de la vie était plutôt théorique et nous brûlions tous, enfin tous les adolescents de l’époque pré-Internet, d’impatience d’en découvrir les délices pratiques. Je me souviens même de conversations de cour de récréation où nous nous demandions le plus sérieusement du monde si la fente était horizontale ou verticale. Enfin, ceux qui n’avaient pas de sœur.

La salle à manger de l’appartement était encombrée de meubles et y courait jusqu’au plafond un immense caoutchouc, un ficus je crois, qui mangeait l’espace déjà restreint de la pièce. Un canapé en skaï vert rendait l’espace encore plus exigu.

L’appartement n’avait pas de salle de bains ni de toilettes. On se lavait au lavabo de la cuisine et les toilettes à l’entresol desservaient plusieurs appartements de l’immense palier. Mes grands-parents faisaient partie d’une génération où la salle de bains n’était pas encore un lieu central de l’habitation. On utilisait l’évier de la cuisine ou un broc et une bassine.

Sans vraiment le savoir, ma grand-mère participa à mon déniaisement. J’avais invité une copine de lycée peu farouche, j’ai oublié son nom, à travailler avec moi. Ma grand-mère nous avait ouvert la salle à manger et pour ne pas déranger s’était installée à la cuisine pour écouter la radio.

N’écoutant que les voix du désir, je m’étais précipité sur la jeune fille, sans aucune forme de préliminaires, et au bout de quelques secondes, la cause était entendue, j’avais l’impression d’avoir pénétré une motte de beurre inerte. La sensation était curieuse et décevante, doublée d’une furieuse envie de pisser. Je n’eus pas d’autre choix que d’arroser le ficus. On entendait la radio à travers le mur. Je n’ai jamais revu la jeune fille, qui ne devait pas avoir beaucoup de raisons de chercher un autre rendez-vous.

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