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Fête au village. Une belle soirée. Des stands illuminés font rayonner la place du village d’une couleur inhabituelle. La musique et le bruit emplissent l’air froid. L’homme traverse la foule, seul. Il n’est pas d’ici, et ça se voit. Il le sait également. Il a ce mépris citadin des fêtes foraines de campagne. On le reconnaît. Des élèves, des parents. On doit parler de lui, dans son dos. Ou du moins a-t-il la vanité de le croire. Il se fait servir une gaufre chantilly par une jeune fille au large sourire qui laisse voir trois dents. Son envie de rire bouscule la chantilly. Il en a plein la moustache. Tête penchée il avance, vers les auto-tamponneuses. La piste miroir est à moitié vide. Quelques jeunes gens en blouson de cuir ou de jean entraînent des filles rigolardes vers les voitures ou en dehors. Un garçon forain aux épaules nues tatouées manipule l’une des voitures, debout. Il semble maîtriser l’espace de sa nonchalance parfaite, rien ne peut l’atteindre, il domine cet empire de chocs et de cris. La routine, demain il faudra démonter. Le monde se presse au bout de la place. Sous la bâche rayée, le bal monté. A l’entrée un moustachu costaud, bras croisés surveille, sévère. Pas loin, ça sent la frite saucisse. Une grosse femme accoudée au comptoir mange des frites à pleins doigts en riant aux blagues d’un petit bonhomme en veste à carreaux. Chaussures approximatives tâchées de graisse ou de mayonnaise. Il marche sur des enveloppes de loterie évitant des restes de nourriture. Un groupe de jeunes le bouscule, ils s’interpellent, se poussent, se tirent par la manche, et se dispersent vers un manège. Cette fête est un long couloir, tout étirée, pas comme les énormes dispositions en cercles des grandes villes. Des vagues rouges et vertes de têtes tournent de plus en plus vite dans une chenille qui se recouvre d’une toile qui les fait disparaître dans les cris, les rires et une fausse frayeur. La musique hurle aussi. Trois garçons se soutiennent, titubant vers le manège, parlant fort. Un couple tient un jeune enfant par la main. Des filles deux par deux se tiennent par la taille, courent et sautillent en se moquant des garçons. Entre deux stands, une veste en cuir se tient aux filins, dos tourné. Non loin un homme un bras appuyé sur le coté d’une roulotte se penche vers le sol. Un homme joufflu transpire sur un marbre où il malaxe une pâte rosée, il l’étire et la tord. Face à lui un maigrichon, veste noire aux revers satinés, annonce des numéros dans un micro. Derrière lui, des immenses poupées, des peluches géantes. Ça brille. Les lumières se démultiplient dans les miroirs. Les sons voyagent aussi. Ça réverbère. Derrière les stands, un entrelacs de fils, de sacs, de boîtes. On distingue quelques boutiques. L’église n’est pas éclairée. Elle a la mine sombre des sapins, et la froideur de l’hiver qui arrive. L’homme s’éloigne, sans plaisir, une certaine amertume l’envahit, comme une envie de disparaître.

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